Elections régionales 2010 en Ile de France : Les écologistes aux commandes des Pays-Bas ?

Un texte de Claude GRASLAND, militant Vert de Sucy-en-Brie (94)

Le saviez-vous ? Le poids économique et démographique de la région Ile de France est comparable à celui des Pays-Bas ! Une victoire des listes Europe-Ecologie en Ile de France offrirait de véritables leviers d’action pour peser sur le cours de l’avenir en France, en Europe et dans le Monde.

A nous de montrer que nous sommes conscients des responsabilités qu’entraînerait la direction d’une région de la taille des Pays-Bas.

1. QUEL EST LE POIDS DE LA REGION FRANCILIENNE ?

 

 

balance

Le poids économique et démographique de l’Île-de-France est supérieur à celui de l’ensemble des Pays-Bas


Données 2005, source EUROSTAT Pays-Bas Île-de-France Île-de-France + Bassin parisien
Superficie 42 000 km² 12 000 km² 158 000 km²
Population 16 300 000 h 11 400 000 h 21 400 000 h
Richesse 508 000 000 000 € 482 000 000 000 € 736 000 000 000 €
Densité de population 392 h/km² 953 h/km² 140 h/km²
Richesse par habitant 31 200 € 42 000 € 33 400 €

 


Si l’on s’en tient aux frontières strictes de la région Ile de France, celle-ci apparaît plus petite que les Pays-Bas sur le plan géographique (12 000 contre 42 000 km2) et sur le plan démographique (11.4 contre 16.3 millions d’habitants). Mais son poids économique est à peu près comparable (482 contre 508 milliards d’Euro) car la richesse par habitant de la région Ile de France est plus élevée que celle des Pays-Bas et sa densité de population beaucoup plus forte.

Si l’on raisonne à l’échelle plus générale du Bassin Parisien, alors le poids de la région parisienne et des régions voisines apparaît beaucoup plus élevé que celui des Pays-Bas mais le niveau de vie est globalement comparable. Il faut souligner que construire des politiques à l’échelle du Bassin Parisien plutôt que de l’Ile de France est plus juste à la fois en termes économiques (l’influence de l’agglomération parisienne déborde la région), en termes sociaux (il faut introduire une péréquation entre la riche région francilienne et les régions voisines plus pauvres de Normandie, Champagne, Picardie, Centre et Bourgogne) et en termes écologiques (impossibilité de développer une agriculture biologique répondant aux besoins de tous les habitants d’Ile de France si on se limite aux frontières actuelles).

 

2. « L’INDIGNATION DES COMPETENTS » FACE A LA PERSPECTIVE D’UNE VICTOIRE DES ECOLOGISTES

Le principal argument développé par les partis traditionnels (PS et UMP) est l’incompétence supposée des écologistes à assumer les responsabilités de la gestion d’une région aussi importante que l’Ile de France. En d’autres termes, les écologistes sont présentés comme des « spécialistes du local », compétent dans la mobilisation et l’action autour d’enjeux limités tels que la mise au norme d’un incinérateur ou la protection d’un périmètre naturel. Mais on leur dénie a priori toute capacité à conduire l’économie d’une région ayant la puissance économique d’un pays européen tel que les Pays-Bas. Même si les élus écologistes régionaux ont montré leur capacité à mener des politiques de grande portée en matière par exemple de transport (Jean-Pierre Girault), d’aménagement du territoire (Mireille Ferri) ou de recherche (Marc Lipinsky), la campagne conjointe du PS et de l’UMP va se concentrer sur notre incapacité supposée à porter une « vision d’ensemble » efficace et réaliste.

 

Cette indignation des compétents face à la perspective d’une victoire écologiste n’est pas sans rappeler un célèbre passage d’Alain dans ses Propos sur les pouvoirs. Déjà sous la Troisième République, les élites supportaient mal de voir leur pouvoir suspendu au verdict du suffrage universel et dénonçaient les choix irrationnels d’un peuple ignorant. Aujourd’hui, c’est l’élite politique traditionnelle qui condamne par avance l’électeur tenté de voter pour de nouvelles forces comme l’Ecologie Politique. Ce passage savoureux d’Alain mérite d’être cité longuement :

 

« Lisez les feuilles publiques ; vous verrez qu’ils sont tous saisis d’un furieux besoin de déclamer contre l’électeur, disant qu’il est ignorant, qu’il est corrompu, qu’il est inconstant, qu’il est ingrat, et qu’enfin il faut chercher quelque système ingénieux qui permette aux éminents députés, aux éminents ministres, aux éminents bureaucrates de remettre l’électeur il sa place, et de travailler à son bonheur malgré lui.
Je connais cette chanson. Tous les bureaucrates que j’ai rencontrés me l’ont chantée ; et cela revenait à dire, presque sans détour, que le suffrage universel, si on le prend sérieusement, est une institution absurde. Car, disaient-ils, il faut avant tout savoir, si l’on veut agir. Or, dans votre beau système, le petit nombre des citoyens qui savent bien une chose, que ce soit les finances, la mutualité, l’enseignement on la politique extérieure, ce petit nombre est écrasé par la multitude des ignorants.

Nous espérions, disaient-ils, que les ignorants feraient du moins modestes et discrets, et qu’ils se laisseraient tout de même un peu gouverner par ceux qui sont préparés à cette tâche difficile. Mais point du tout. Votre république se réalise. Le député vient dans les bureaux, et y parle au nom du peuple. Le tard-instruit méprise les compétences, et veut réformer tout. Bientôt on nommera les ingénieurs, les amiraux, les professeurs au suffrage universel. Ils ont déjà saccagé notre culture française. L’ignorant dit : voilà ce que l’on doit m’apprendre. Ce beau système est arrivé à sa perfection propre avec votre Combes ; et nous y retomberons, c’est inévitable, à moins qu’une grande révolte de l’élite ne coïncide avec quelque mouvement de crainte et de modestie dans la masse ignorante. Mais, avec ces ambitieux et prétentieux instituteurs, qui ne supportent plus aucun frein, je crois bien qu’on ne peut guère compter sur une abdication volontaire des citoyens-rois. Et alors, où allons-nous ? »

Tout directeur, tout inspecteur, tout conseiller, tout préfet. tout recteur, tout ministre pense ainsi et parle ainsi, dès que l’électeur est retourné à son travail. (…) Les partis n’y font rien. Le radical s’entend très bien là-dessus avec le monarchiste. Tous sentent très vivement que le peuple se hausse sur la pointe des pieds, et regarde dans les bureaux. L’élite des bureaucrates est contrôlée, critiquée, menacée dans ses privilèges. Les députés éprouvent, plus directement encore, cette puissance des masses, qui, bien loin de demander à grands cris quelque bouleversement impossible, prétendent tout simplement s’installer au fauteuil, et vérifier les livres de cuisine et de blanchissage. (…) Citoyens, tâchez de bien saisir cette Révolution des bureaucrates contre le Peuple. Et méfiez-vous ; l’adversaire a plus d’un tour dans son sac. « 

Alain, Propos sur les Pouvoirs.

3. UNE CAMPAGNE REGIONALE ARTICULANT EFFICACITE LOCALE ET AMBITION GLOBALE

Nous devons être à la hauteur de l’enjeu que représenterait une victoire en Ile de France, ce qui implique d’articuler étroitement l’efficacité locale et l’ambition globale. Il ne faut en aucun cas renoncer à l’action locale qui constitue la force de notre mouvement sur la durée. Nous devons donc saisir toutes les occasions de la campagne des élections régionales pour faire avancer les combats que nous menons dans les communes ou les départements (par exemple l’incinérateur SYCTOM d’Ivry). Mais nous devons également dans le même temps affermir la conviction des électeurs (et notre propre conviction !) que nous sommes prêts, dans quelques mois à prendre les commandes de la plus grande région de l’Union Européenne en termes économiques et démographiques, pour en faire un symbole de développement durable.

Il faut donc impérativement s’appuyer sur le bilan des élus régionaux Verts d’Ile de France au cours de la précédente mandature. Et il faut avoir l’honnêteté de rappeler que ce bilan a été menée en partie au moins dans le cadre d’une alliance avec le PS et le PC. Certes il a pu y avoir des points de désaccords au sein de l’ancienne majorité du Conseil Régional – et c’est ce qui justifie la constitution de listes séparées – mais nous devons avant tout insister sur les réalisations communes en matière de transport, d’enseignement, de politique sociale, d’environnement. La condition première de la victoire en Ile de France c’est de montrer notre capacité hier comme demain à négocier des compromis avec d’autres forces politiques pour mener une politique pragmatique, efficace et ambitieuse. A cet égard, force est de regretter que des élus Verts dont la compétence était universellement reconnue et apprécié n’aient pas été reconduits en position éligible à l’occasion de la constitution des listes Europe Ecologie.

Il faut enfin montrer notre ambition globale avec une proposition symbolique qui pourrait être la mise en conformité de la région Ile de France avec les objectifs du millénaire (0.7% du PIB consacré à l’aide au développement) et les objectifs de Copenhague. Contrairement à ce que pensent les représentants de l’UMP, les électeurs n’ont pas forcément un porte-monnaie à la place du coeur et ils ne votent pas forcément en fonction de considération égoïstes ou cyniques. Il faut oser prendre des risques politiques et proposer par exemple (comme l’avait fait la Californie sous Georges Bush) de s’imposer au niveau régional les objectifs que les Etats ont échoué à mettre en place. Prendre le risque de proposer un prélèvement de 0.7% des dépenses d’investissement de la région Ile de France en faveur des pays les moins avancés pour réussir les Objectifs du millénaire fera sans doute ricaner les « compétents » qui ne manqueront pas d’y voir la preuve de l’incompétence économique des membres de la liste Europe Ecologie. Mais ce sera aux électeurs de juger de la « compétence morale » de ceux qui sont prêts à laisser mourir sans réagir des millions de personnes dans le Monde alors que l’on vit dans l’une des régions les plus riche, mais aussi les plus inégalitaire.

 

 

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